Page 3 - Rapport de l’Association des urologues du Canada sur les meilleures pratiques pour la prise en charge de la douleur scrotale chronique
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Douleur scrotale chronique
qui accroît la réactivité des neurones, entraînant l’activation On a aussi décrit des cas d’orchite par « autopalpation »
de la transmission de la douleur par des voies normalement survenant lorsqu’un patient auto-examine anxieusement
inoffensives (allodynie) ou des réactions accrues à des sti- ses testicules et son scrotum et où la palpation fréquente
muli douloureux (hyperalgésie). entraîne une douleur testiculaire locale malgré l’absence
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Plusieurs études ont montré que les causes les plus fré- de symptômes antérieurs et d’une maladie intrascrotale .
quentes de la douleur directe aux structures scrotales sont Le lien entre la douleur et la dépression est complexe, et
une vasectomie antérieure (notée chez près de 21 % des quand on les interroge au sujet de la dépression, les patients
patients se présentant à une clinique spécialisée en dou- attribuent souvent entièrement leur dépression à la présence
leur scrotale clinique), suivie d’une varicocèle, d’un trai- de douleur . On a observé que les patients ayant de la
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tement d’une hernie inguinale, d’une spermatocèle, d’une douleur chronique présentent une incidence plus élevée de
hydrocèle, d’infections aux épididymes ou aux testicules, de symptômes de dépression; une étude menée au Canada a
tumeurs (testiculaires ou paratesticulaires) ou d’une torsion signalé que plus de 31 % des hommes ont des symptômes
testiculaire (tableau 1) 15,20,21 . Dans une autre étude menée dépressifs pendant plus de la moitié des jours chaque mois .
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chez de jeunes hommes en cours de service militaire, le La douleur psychogène (douleur sans cause discernable)
facteur le plus fréquent qui a pu être repéré était la varico- a aussi été signalée en présence d’une variété de troubles
cèle, décelée chez plus de 50 % des hommes présentant psychologiques, notamment la dépression, l’anxiété et la
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une douleur scrotale durant plus de deux semaines . De schizophrénie 9,11 . Cela dit, il n’est pas clair si les symptômes
plus, jusqu’à 58 % des hommes atteints de prostatite chro- douloureux sont à l’origine de la détresse psychologique
nique ou de syndrome de douleur pelvienne chronique (PC/ ou si c’est le trouble psychiatrique sous-jacent qui poten-
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SDPC) présentent aussi une douleur scrotale concomitante . tialise la douleur. Les patients qui présentent des douleurs
Malheureusement, chez jusqu’à 50 % des patients atteints chroniques peuvent aussi être aux prises avec une pensée
de douleur scrotale chronique, aucune étiologie ne pourra catastrophique, c’est-à-dire qu’ils présentent un ensemble de
être précisée, rendant du coup la prise en charge médica- pensées négatives reliées à la douleur lorsqu’ils ressentent ou
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menteuse ou chirurgicale difficile 1,12,23 . anticipent de la douleur . On a établi une corrélation entre
Les causes fréquentes de la douleur irradiée vers les struc- la pensée catastrophique et une aggravation des symptômes
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tures scrotales incluent les calculs rénaux lors de leur passage de dépression et une douleur accrue . Dans une étude, on a
dans l’uretère et la radiculite causée par une dégénérescence noté que les patients qui présentaient des pensées catastro-
de la moelle épinière aux niveaux thoracique et lombaire . phiques avaient des liens négatifs avec les soutiens sociaux
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Il est également important d’évaluer les structures situées à et les fournisseurs de soins de santé, aggravant le sentiment
l’extérieur du scrotum (tendons, muscles, ligaments, hernies) d’impuissance et créant des obstacles supplémentaires dans
pouvant amener un patient à se faire examiner pour une la prise en charge de leur douleur chronique .
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douleur « scrotale » chronique quand en fait, la source de
la douleur est non scrotale mais située très près de l’aine . Évolution naturelle
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D’autres causes de douleur scrotale irradiée incluent la
compression d’un nerf par une hernie inguinale (indirecte), Comme l’étiologie de la douleur scrotale chronique peut
le processus de cicatrisation lié à une intervention ingui- varier considérablement, et que, bien souvent, aucune cause
nale antérieure ou une tendinite au niveau de l’insertion du ne peut être dégagée, l’évolution naturelle de cette patho-
ligament inguinal dans le tubercule pubien 1,18 . Ces causes logie reste à étudier. De nombreux patients qui cherchent
doivent être cernées, et le traitement sera ensuite déterminé un traitement pour la douleur scrotale chronique auront
en fonction de la source de la douleur. consulté plus d’un professionnel de la santé et essayé de
nombreux traitements empiriques sans en tirer de bienfaits;
Tableau 1. Étiologies de la douleur scrotale 1 les études déjà menées ne font habituellement pas mention
Causes Pourcentage de de cas entièrement résolus sans intervention.
patients Résumé et recommandations : La douleur scrotale
Vasectomie 20,61 % chronique est définie comme une douleur intermittente
Traumatisme 12,21 % ou constante, unilatérale ou bilatérale localisée dans les
Infection 11,45 % structures scrotales, présente depuis au moins trois mois
Traitement chirurgical d'une hernie 4,58 % et qui perturbe de manière significative les activités quo-
Kyste épididymaire 1,52 % tidiennes du patient et le motive à consulter un médecin.
Autres causes décelées 6,10 % Même si les données épidémiologiques sont limitées, la
(Hydrocélectomie, RPTU, orchidectomie, prévalence globale de la douleur scrotale chronique dans
néphrectomie du donneur) la population canadienne est évaluée à 1 à 4 %. Chez
Inconnue 43,51 % jusqu’à 50 % des patients, aucune étiologie précise n’est
RPTU : résection transurétrale de la prostate
déterminée pour la douleur.
CUAJ • Juin 2018 • Volume 12, numéro 6 R41